Guylaine Conquet, l’artiste qui célèbre le cheveu naturel

par Redaction NOFI

Par Pascal Archimède. Après avoir été présentatrice TV et animatrice Radio à Guadeloupe 1ère France TV pendant 21 ans, Guylaine Conquet débute aux Etats-Unis une aventure artistique en lien avec le port des cheveux naturels. Nofi a rencontré cette femme active qui porte de multiples casquettes.

Bonjour Guylaine, parle nous de ton parcours

Je suis née en Guadeloupe, ai grandi à Lyon et vis maintenant entre la Guadeloupe et la Floride. Durant deux décennies, j’ai travaillé pour le groupe France télévision en radio et à la télévision.

Je continue mes activités de journaliste tout en gérant « Next Level », une société qui s’occupe d’organiser des séjours linguistiques aux Etats-Unis.  Nous travaillons en partenariat avec des écoles de langues à Miami, Boston, New York, Atlanta et San Francisco pour une immersion linguistique ,culturelle et économique à la carte.

Tu travailles également sur « Just Afro », un projet artistique qui te tient à cœur ?

En effet,  « Just Afro » est un projet qui a vu le jour aux Etats Unis. Il s’agit d’un ensemble de tableaux, réalisés par moi-même, qui représentent ma vision et l’histoire des cheveux naturels. C’est également un projet éducatif pour apprendre aux jeunes femmes et hommes l’estime de soi au travers de la connaissance de leur propre histoire. C’est en Juillet dernier que le projet « Just Afro » a été présenté pour la 1ère fois à Brooklyn, New York à l’IAAF (International African Art Festival). Cette exposition qui retrace l’histoire des cheveux naturels des noirs, sera également présentée dans des écoles à New York et en Floride pour la Black History Month.

Depuis quelques années, de plus en plus de femmes reviennent au port des cheveux naturels et le revendiquent. Tu en fais partie. Pourquoi? Comment a réagi ton entourage proche et professionnel?

Mon aventure capillaire a réellement commencé quand j’étais présentatrice télé. Je me devais de soigner mon image et surtout ma coiffure. Des années d’extensions, de défrisages de lissages ont provoqué d’énormes dégâts sur mes cheveux. J’ai finalement décidé de faire la transition et de porter mes cheveux naturels à l’antenne. C’était en 2015.

Sans surprise, j’ai reçu beaucoup de commentaires négatifs. Amis, collègues, famille et téléspectateurs ont été nombreux à désapprouver mon choix sur ma transition du lisse au crépu. Pour faire de la télé, il faut se coiffer ! Heureusement d’autres femmes, d’après leurs témoignages, en me voyant, ont choisi de faire elles aussi la transition.

Tu vis maintenant aux Etats-Unis. Quels rapports les Afro-Américaines entretiennent elles avec leurs cheveux? Beaucoup portent des perruques. Penses-tu qu’elles aient honte de les porter au naturel?

Aux États-Unis, j’ai en effet remarqué que de nombreuses femmes noires portaient des tissages, mais surtout des perruques, « effet Beyoncé ». J’ai essayé de comprendre pourquoi elles éprouvaient ce besoin de se « cacher » les cheveux, l’une d’entre elles m’a avouée qu’elle était « laide » avec ses cheveux naturels. Ma curiosité m’a motivée à comprendre d’où venaient ces stigmas dont j’étais moi-même victime inconsciemment.

Évidemment, tout a commencé avec les premiers esclaves qui sont arrivés aux États-Unis et dans la Caraïbe.

Lorsque les premiers esclaves ont été amenés en Amérique, leurs cheveux crépus étaient appelés «laine». Pour les propriétaires d’esclaves, la culture et la texture des cheveux des esclaves n’étaient pas attrayantes, alors ils ont commencé à les effacer systématiquement. Les textures des cheveux lisses étaient considérées comme plus attractives. L’expression “beaux cheveux” fait son chemin dans le lexique et la stigmatisation culturelle se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Plus tard, différents outils ont aidé les femmes et les hommes noirs à lisser leurs cheveux crépus afin de favoriser un sentiment d’acceptation par la société (fer chaud, défrisage, lisseur, …).

Dans les années 70, les cheveux naturels sont devenus une revendication de la culture noire avec l’aide d’organisations telles que les Black Panthers et le mouvement Black Power. La militante politique Angela Davis incarne le mouvement Black Power, laissant sa propre texture devenir un Afro.

Les stars internationales Diana Ross et les Jackson Five ont fait de la coiffure afro une coiffure à la mode pour les Noirs du monde entier.

La récente élection de Miss Univers Zozibini Tunzi d’Afrique du Sud et ses cheveux naturels prouve que la révolution est en marche pour l’acceptation de soi.

Le 6 Février 2020, le Studio 18 Pembroke Pines à Miami t’a invitée à présenter tes peintures et à parler de l’histoire des cheveux noirs aux Etats-Unis dans le cadre du Black History Month. Peux-tu nous en parler?

C’est un grand honneur pour moi de parler de mon travail et de mes peintures qui expriment mon aventure capillaire, du rejet à l’acceptation, de l’embarras à la fierté. L’Afro est ma façon de voir les cheveux naturels même s’il existe de nombreuses autres expressions naturelles telles que les tresses plaquées, dégradés, dread locks ou encore tresses box.

C’est pour moi un lien avec une culture perdue et le désir de s’accepter au naturel.

Afin de soutenir ce projet, les tee-shirts « Just Afro » sont disponibles en ligne.

Pour plus de renseignements

  • justafroroots@gmail.com
  • www.just-afro.com
  • Facebook
  • Instagram: @justafro