« Do the Right Thing » : Chronique d’une journée enflammée

par Pascal Archimède

Pascal Archimède vous invite à passer la journée la plus caniculaire du cinéma afro-américain en vous plongeant dans l’Univers du film “Do the Right Thing”.

Sorti en 1989, Do the Right Thing est l’un des films les plus emblématiques de Spike Lee, réalisateur afro-américain renommé. Ce long-métrage raconte une journée particulièrement chaude dans le quartier de Bedford-Stuyvesant à Brooklyn, où les tensions raciales se transforment en un conflit tragique. Le film aborde des thématiques percutantes telles que la brutalité policière, le racisme, et les divisions communautaires.

Spike Lee, auteur- producteur-réalisateur du film « Do The Right Thing » joue également le rôle de Mookie, le livreur de pizza (Photo by John D. Kisch/Separate Cinema Archive/Getty Images)

Synopsis

Le film se déroule en une seule journée caniculaire. Mookie, interprété par Spike Lee, est un jeune livreur de pizza travaillant pour Sal, un italo-américain propriétaire d’une pizzeria de quartier. Les habitants du quartier sont principalement afro-américains et hispaniques, mais le « mur des célébrités » de la pizzeria de Sal ne présente que des photos d’Italo-Américains. Cette situation agace Buggin Out, un client régulier, qui exige que des portraits d’Afro-Américains soient également accrochés. Les tensions s’intensifient au fur et à mesure que la chaleur s’installe, culminant dans une altercation qui déclenche une émeute, aboutissant à la destruction de la pizzeria et à la mort de Radio Raheem, un habitant du quartier, étouffé par la police.

Contexte social et historique

Do the Right Thing sort à un moment critique aux États-Unis. Les années 1980 sont marquées par une montée des tensions raciales, en particulier dans les grandes villes. La brutalité policière et les injustices raciales, bien que systématiques, deviennent de plus en plus visibles à l’échelle nationale. En 1989, l’affaire des « Central Park Five », où cinq adolescents afro-américains et latino sont injustement accusés de viol, symbolise ces tensions. De plus, des émeutes raciales, comme celle de Howard Beach en 1986, où un jeune Afro-Américain, Michael Griffith, est tué par un groupe de jeunes Blancs, secouent l’opinion publique.

Le film s’inscrit aussi dans un contexte de revendications sociales croissantes où des artistes, militants et figures publiques afro-américaines, notamment dans le hip-hop, expriment leur colère face aux inégalités raciales persistantes. Spike Lee, déjà reconnu pour son militantisme à travers le cinéma, utilise ce film pour traiter de ces injustices dans une fresque sociale profondément ancrée dans la réalité des quartiers afro-américains.

Impact sur la communauté afro-américaine

Dès sa sortie, Do the Right Thing a eu un impact considérable sur la communauté afro-américaine. En abordant directement les réalités vécues par cette communauté – qu’il s’agisse du racisme ordinaire, de la brutalité policière, ou de la gentrification – le film a donné une voix aux frustrations accumulées par de nombreuses générations. Il a également ouvert un débat national sur les relations raciales, obligeant l’Amérique à se confronter à ses propres contradictions et hypocrisies. Certains ont vu dans le film un appel à la résistance contre l’oppression, tandis que d’autres ont interprété sa fin ambiguë comme une critique de la violence.

L’un des aspects les plus puissants du film est qu’il ne présente pas de solutions simplistes au problème du racisme. Au contraire, il expose la complexité des dynamiques raciales dans un microcosme urbain, reflétant la réalité quotidienne de nombreux afro-américains.

Impact dans le milieu hip-hop

Le hip-hop, en pleine expansion dans les années 1980, a également été influencé par le film. Do the Right Thing partage les valeurs et les thèmes du mouvement hip-hop : une rébellion contre l’oppression, une dénonciation des injustices raciales, et un sens profond de l’identité afro-américaine. Public Enemy, groupe phare du hip-hop engagé, a marqué la bande originale avec leur morceau « Fight the Power », devenu l’un des hymnes du film et du mouvement des droits civiques moderne.

La représentation de l’expérience noire urbaine dans Do the Right Thing a résonné avec la culture hip-hop, qui, à l’époque, était elle-même en train de devenir un moyen d’expression pour les jeunes Afro-Américains face à l’exclusion sociale. Le film et la bande originale sont devenus un symbole de la lutte pour la justice sociale, alimentant la conscience politique et sociale de nombreux artistes hip-hop.

Impact aujourd’hui

Plus de trois décennies après sa sortie, Do the Right Thing demeure une œuvre cinématographique poignante et actuelle. Les sujets abordés – le racisme, la violence policière, les inégalités sociales – sont toujours au cœur des débats sociétaux. Le meurtre de George Floyd en 2020 et les manifestations qui ont suivi montrent que les questions soulevées par le film sont loin d’être résolues.

Le film de Spike Lee est devenu une référence culturelle incontournable pour les cinéastes, les militants et les artistes. Il est souvent cité dans les discussions sur la représentation des Afro-Américains à l’écran et sur l’importance du cinéma comme outil de changement social. Aujourd’hui, Do the Right Thing est non seulement une œuvre cinématographique mais aussi un témoignage historique de la lutte pour la justice et l’égalité, inspirant continuellement de nouvelles générations de spectateurs et de créateurs.

En somme, Do the Right Thing est un film qui transcende son époque pour aborder des questions universelles et intemporelles. Il s’inscrit comme un catalyseur du changement et un miroir des tensions raciales toujours présentes aux États-Unis.

Quelques acteurs du film Do The Right Thing